Nu Artistique, des modèles s’expriment sur leur métier

Paroles et témoignages de Modèles d’Art.

Dessiner d’après modèle

Le dessin de nu est un apprentissage artistique indispensable pour l’artiste. S’il souhaite représenter le corps humain, il doit se familiariser en dessinant d’après modèle. Mais que fait le modèle ? Comment intervient-il ? est-il payé ou bénévole ? A l’occasion de l’exposition Paroles et croquis de modèles vivants, j’ai invité les modèles à s’exprimer anonymement sur leur métier et leur situation. Je vous invite à les écouter !

1-Estimez-vous contribuer à votre manière au travail de l’artiste ?

Créativité et expression corporelle

Oui je considère, fort de ces quelques expériences, que le modèle contribue, (ou du moins essaie de contribuer) au travail de l’artiste. Il y a des modèles qui donnent la lumière et soutiennent l’artiste, d’autres parfois un peu moins. Un de mes modèles préférés me rappelle fort opportunément que l’acte de poser n’est pas un acte passif, malgré les apparences. Ceci est encore plus évident en séance de poses rapides, deux ou trois minutes, où le modèle pendant sa pose, doit penser la pose suivante.
Maurice

Être modèle vivant ce n’est pas simplement être un «morceau de viande» sur une scène. Il faut rayonner par nos poses. Ce n’est pas un travail de tout repos. Il faut jouer de son corps (avec ses qualités et ses défauts) pour que l’artiste arrive à en créer quelque chose.

Estelle

C’est un plaisir de voir les dessinateurs, peintres, sculpteurs évoluer, progresser dans leur pratique au fil des ans et d’échanger avec eux. C’est agréable de constater que des professeurs nous renouvellent leur confiance d’année en année. Enfin, c’est un privilège de tisser des liens avec certains artistes appréciant nos échanges, notre travail et qui nous trouvent inspirant.e.s. C’est touchant !
Eve

Un échange

A travers une pose, je m’exprime et c’est ma part de créativité.​

Persia

Oui, c’est même une motivation essentielle. La relation qui se noue à chaque séance est particulière, faite d’humilité et de respect. Un engagement sans arrière-pensée. Ce qui est intéressant c’est être à la fois un tas de viande exposé, donc très banalisé, et l’envie en même temps d’être diffèrent, d’être une source de motivation et de création pour l’artiste. Je pense que cette dualité anime chaque modèle, à la fois très en retrait sur son propre corps et très engagé.

Jean

2-Quel pourrait être le motif qui vous pousse à arrêter le travail de modèle ?

Entre douleurs physiques et lassitude

Un grave problème de santé pourrait tout mettre entre parenthèses; le vieillissement est problématique car beaucoup d’ateliers – ou plus exactement d’élèves – préfèrent voir des corps jeunes au détriment de modèles expérimenté.e.s.
C’est plus certainement la nécessité d’avoir un salaire décent à la fin du mois qui me poussera à arrêter de poser. Ne pas avoir de véritable statut donc de droits, voilà LE gros problème dans notre activité !
Eve

L’âge, de nouvelles motivations, un manque de renouvellement aussi des ateliers avec lesquels le modèle travaille.

Jean

La précarité. La lassitude si elle survient un jour. Les douleurs physiques.

Laurie

La non-reconnaissance d’un travail difficile physiquement pourrai être le motif pour lequel je pourrai arrêter ce travail de modèle que j’aime profondément.

Persia

Une expérience enrichissante

Je ne pose aujourd’hui que très rarement. Cette expérience restera à jamais très formatrice. J’ai exploré tous les intérêts que je pouvais tirer de cette activité. Elle m’a également fait beaucoup de mal, j’ai toujours cru que la jeunesse et le corps parfait était nécessaire pour ce genre de métier. Mais la beauté se trouve en chaque corps et en chaque pose, et dépend de l’Aura du modèle. Il faut être totalement à l’aise et accepter notre corps comme il est. Ce n’est pas un travail évident…
Estelle

3-Qu’est-ce qui doit changer dans le travail de modèle et cette discipline artistique ?

Occasionnel.le.s ou professionnel.le.s, le respect est nécessaire

Nous ne devons en aucun cas oublier la difficulté qu’être modèle vivant implique. C’est un don de soi inimaginable. Un effort de tout instant lors des poses: psychologiquement et physiquement. Nous ne sommes pas des poupées de cire, sans crampe et sans tremblement. Il faut que cette activité soit d’avantage reconnu et respectée. C’est une prestation artistique que nous fournissons devant un public. Dans un atelier à Antibes, la coutume était d’applaudir le modèle à la fin de la séance. Et bien, j’ai été des plus surprise quand cela est arrivé mais c’était la meilleure récompense qui puisse être…. Une reconnaissance de la part de ceux qui sont en face.
Estelle

Je n’ai pas de réponse, j’avoue n’avoir pas suffisamment « professionnalisé » mon approche pour pouvoir juger. Peut-être faut-il banaliser en développant les ateliers de nu artistique ?

Jean

L’essentiel à mon sens est le principe du respect du modèle tant dans le confort pratique de l’atelier (température notamment) que dans le confort moral, bienveillance. 

Maurice

Un statut pour plus de reconnaissance ?

Ce qui devrai changer dans le travail de modèle serai de reconnaître véritablement cette profession, un tarif horaire honorable, de véritables conditions de travail engageant l’école ou l’artiste à nous indemniser en cas d’annulation d’une séance de travail. Ainsi que la propreté du support sur lequel le modèle se trouve, notamment dans les écoles. Cette discipline artistique devrai être véritablement reconnue.
Persia

Ce qui doit changer dans cette discipline est le fait de nous reconnaître en tant que modèles d’art, nous accorder un statut à part entière afin que nous ne soyons plus des travailleurs de l’ombre tantôt déclarés, tantôt pas.
Eve

4-Avez-vous été victime de remarques sexistes ou sexuelles ou bien avez-vous déjà eu des avances ?

Le corps face aux normes sociales

Au cours des ans j’ai pu entendre des remarques ou constater des comportements sexistes, jeunistes et grossophobes de la part d’hommes comme de femmes. Cela va de la perte/prise de poids du modèle jusqu’à son épilation. Je me souviens très bien d’un monsieur qui avait des idées arrêtées sur ce à quoi devait ressembler la toison pubienne d’un modèle d’art. Nous savons que nous sommes scruté.e.s, bien entendu, mais certaines personnes devraient se montrer plus respectueuses, empathiques et ne pas oublier que la plupart des modèles font preuve de beaucoup de pudeur.
A contrario, les modèles ne se permettent pas de critiquer/moquer le travail des élèves et encore moins leur physique.
Eve

Entre bienveillance et paroles déplacées

Non, je n’ai jamais été victime de remarques sexistes, sexuelles ou avances mais certaines remarques ou paroles déplacées m’ont déjà été dites.​

Persia

Oui, bien sûr, mais c’est peu courant. Et puis on n’est pas non plus obligé d’y répondre ou d’y donner suite. L’important est de ne pas se sentir souillé dans ses propres actes.

Jean

Je n’ai jamais reçu de remarque sexiste ou déplacée. Les ateliers où j’ai posés m’ont été recommandés et je «savais» où je mettais les pieds. Ce sont de petit ateliers, accueillant généralement des habitués de longue date qui ont prouvé leur sérieux. J’ai eu la chance d’être en compagnie de personnes d’une grande bienveillance.

Estelle

5-Pour être modèle, faut-il nécessairement aimer l’art ?

Des artistes dans l’âme

Pas sûr que ce soit nécessaire. Personnellement mon engagement est vis-à-vis de l’art, et je ne me verrais pas poser si je n’aimais pas l’art en général et le dessin et la peinture en particulier. J’ai la chance de ne pas poser pour la rémunération, et j’ai conscience que certains le font aussi pour cela, parce que c’est une façon pas très compliqué de faire un peu d’argent.
Jean

Certes un modèle n’est pas nécessairement un amateur d’art plastique, mais le sens artistique aide certainement le modèle à l’idée qu’il contribue d’une certaine manière à la création.

Maurice

De drôles de hasard

Je suis une néophyte en terme d’art. Le fait d’avoir intégré ce monde par le biais du métier de modèle m’a ouvert les portes d’un monde totalement inconnu. Cette expérience a généré en moi une curiosité et un grand intérêt pour l’art. Depuis je fais régulièrement des musées. 
Estelle

Peut-on vraiment pousser la porte d’un atelier par hasard ?!… Qu’est-ce qui a motivé une personne à poser ? Il doit y avoir autant de raisons qu’il y a de modèles mais aimer l’art, avoir une pratique artistique ou créatrice, connaître l’histoire de l’art facilitent grandement les choses. Cela nourrit la créativité du modèle. Cela participe de sa pratique autant que d’avoir une véritable conscience du corps, de ses possibilités et une belle générosité. Le don de soi n’est pas un vain mot sur la sellette.

Eve

A quand le statut de modèle d’Art ?

Pour les artistes, il existe au sein du statut d’artiste-auteur une catégorie qui permet de déclarer cette activité. Pour les associations (ateliers), ils peuvent les rémunérer en chèques emploi associatifs. Malheureusement les ateliers et les écoles n’ont pas toujours envie de faire cet effort administratif pour des vacations de quelques heures et encore moins de payer des cotisations sociales supplémentaires.

Pour plus d’informations voir le site de Centre de Ressources du modèle d’Art, et une petite pépite sur un collectif d’artistes-modèles qui parlent du métier dans tous ses angles.

4 Commentaires

  1. Gwenaël Houarno

    Merci de ce coup de projecteur sur la belle profession de modèle.
    La première source d’informations sur les modèles côté francophone est Musographes (https://musographes.tumblr.com) que, sans cachotterie aucune, j’ai l’honneur d’animer.
    Une erreur s’est glissée dans le dernier paragraphe : en réalité les artistes n’ont pas le droit de facturer des prestations de modèle car l’auto-entreprenariat est strictement interdit à cette dernière profession, ce qui protège les modèles du moins-disant social, même si cela diminue leurs possibilités de co-organiser des ateliers.

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    • Reutlinger Nassima

      Merci infiniment pour votre éclairage ! J’aime beaucoup votre initiative. Je corrige cette erreur : si les modèles travaillent pour des artistes-organisateurs d’ateliers, ces derniers n’auront donc pas la possibilité de les déclarer avec leur statut d’artiste.

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      • Gwenaël Houarno

        Pardon si je n’ai pas été clair, le droit il est vrai a ses complexités (et je ne suis pas juriste). En fait la loi française n’autorise la facturation qu’à des entreprises avec salariés et détentrices de la licence du mannequinat. Autrement dit, seules les agences de mannequin ont ce droit (et s’en fichent), ainsi que certaines sociétés de portage. Ainsi les modèles ne peuvent facturer sous quelque régime que ce soit. Par un flottement administratif, l’URSSAF acceptait l’enregistrement de modèles comme auto-entrepreneurs alors même que le Code du Travail spécifiait que modèles et mannequins ne pouvaient être que salariés. Mais cela a été corrigé. 
        Et un artiste indépendant qui emploie un modèle et voudrait facturer la prestation de modèle auprès d’un commanditaire est donc dans l’illégalité. Après, si sa facture ne précise que de l’enseignement et que le modèle est dûment salarié, il ne risque pas grand chose (sauf qu’il va salarier le modèle sur son bénéfice net, ce qui n’est pas avantageux). Est-ce toutefois qu’un artiste indépendant, qui fait payer pour des cours qu’il organise dans son atelier, et où il emploie un modèle sans faire de « facture » à ses clients en bonne et due forme, et en mettant en avant le service d’enseignement, tomberait sous le coup de la loi ? Possible, mais je ne sais exactement.
        cdt,
        Gwenaël Houarno

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        • Reutlinger Nassima

          Je ne comprends pas pourquoi c’est si compliqué mais merci pour vos précisions. Bien à vous, Nassima

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